• La Belle Rosalie (Dieppe)

    La Belle Rosalie (Dieppe)

     

    Dans le quartier du Pollet à Dieppe, une légende a traversé les siècles. Celle d'un bateau fantôme qui viendrait hanter les pêcheurs et les habitants le jour de la Toussaint.
    Depuis des siècles, la légende raconte que dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des habitants du quartier du Pollet, ont entendu un drôle de bruit. Ils ont alors aperçu un chariot tiré par huit chevaux blancs. Un spectacle maudit puisque tous ceux qui osaient regarder l’attelage pouvaient mourir !
    Le lendemain, jour de la Toussaint, La Belle Rosalie , un trois mâts détruit lors d’une tempête… un an auparavant fait sont entré dans le port dans un epais brouillard
    De grands malheurs arrivaient à ceux qui osaient regarder ce bateau fantôme. Les habitants du quartier du Pollet fermaient d’ailleurs portes et fenêtres pour ne pas se laisser tenter par la vision de ce spectre

    De leur côté, les pêcheurs n’allaient pas chercher leurs victuailles en mer ce jour-là. Pour cause : ils étaient condamnés à ne remonter que les ossements des marins disparus « dont l’âme était toujours coincée ».

     

    Source: Normandie 76 Actu

     

    La Belle Rosalie

     

    La goélette de la Toussaint

    Le soleil venait de se coucher lorsque le guetteur du sémaphore de Dieppe signala une petite goélette qui mettait le cap sur la jetée. Manifestement, elle voulait entrer au port avant la nuit.
    Le guetteur observait la goélette à la longue-vue. Il fronça les sourcils.
    — Ce n’est pas possible, murmura-t-il.
    Il en examinait la silhouette avec attention, les contours, la forme des voiles, des gréements, les moindres détails.
    —Incroyable! dit-il encore.
    La goélette n’était plus qu’à un mille. Elle s’engageait dans la passe. Ses feux de position étaient allumés. Le pavillon français flottait à la corne.
    —Je dois rêver, répéta le guetteur.
    Pourquoi cette stupéfaction? Pour une raison bien simple: la goélette qu’il voyait entrer dans le port de Dieppe était la Belle Rosalie. Il était l’ami du capitaine et de ses hommes. Mais cette Belle Rosalie avait disparu depuis un an. Elle avait coulé au cours d’une tempête. On en était sûr: on avait retrouvé des épaves.
    Et cependant, elle était là, dans la nuit presque tombée, ses voiles blanches faseyant au cours d’un changement d’amures.
    Bien que ce fût un jour férié, la Toussaint, la jetée se couvrit rapidement de monde dès que la nouvelle fut connue. Au premier rang de la foule se pressaient les familles de l’équipage de la Belle Rosalie, des femmes et des enfants tremblants de bonheur, n’osant croire à cette merveilleuse arrivée de la goélette. C’était plus qu’un retour au port: un retour à la vie.
    La Belle Rosalie était maintenant à une encablure de la jetée. On distinguait les visages des matelots qui se tenaient muets et immobiles sur le pont.
    On lança une bosse d’amarrage. Ils la saisirent.
    De la foule, des cris, des rires partaient, des appels, des exclamations.
    A bord de la Belle Rosalie, c’était toujours le silence.
    •La nuit était tout à fait tombée et l’ombre s’épaississait sans cesse, au point qu’on ne distinguait plus la jetée d’en face. Bientôt, la Belle Rosalie elle-même devint invisible. Rien d’étonnant d’ailleurs, car de lourds nuages couraient maintenant dans le ciel.
    Les assistants se turent, comme inquiets. Pourquoi la goélette ne s’amarrait-elle pas? Le courant sans doute
    l’en empêchait. Des hommes halèrent la bosse. Le courant devait être très fort car leurs efforts restaient inutiles. La goélette restait sur place.
    Les premiers coups de l’Angélus tombèrent. Le bruit des cloches, amené par le vent, couvrit la rumeur des assistants qui ne comprenaient pas la manœuvre de cet étrange navire. Qu’attendaient donc les matelots? Après un an d’absence, ils devaient être impatients de débarquer dans leur port d’attache.
    Soudain, l’aussière n’offrit plus de résistance. On put la haler cette fois facilement. Trop facilement. L’extrémité était libre. Lamarre avait été non pas rompue, mais détachée. Détachée volontairement par les matelots de la Belle Rosalie.
    A ce moment, le ciel s’éclaira un peu. On allait voir distinctement la silhouette de la goélette.
    Il y eut un grand silence. Plusieurs bras se tendirent vers la mer.
    Une mer qui était vide.
    Comme si elle s’était dissoute dans l’ombre, la Belle Rosalie, la goélette mystérieuse, la Belle Rosalie avait disparu.

     

    Source: Vaisseaux fantome Robert de la croix

     

     

     

     

    Cette goélette qui s’apprête à rentrer dans le port un jour de Toussaint en avait interpelé plus d’un. Le désarroi de notre homme se propageait à la petite ville. Les plus incrédules avaient fini par se laisser convaincre. Ils venaient le long du quai, accompagnés par les familles des membres de l’équipage. Leurs pas les conduisent vers les jetées.
    La nuit tombait et chacun s’inquiétait. Pourquoi la goélette ne poussait-elle pas sa manœuvre jusqu’à son terme ?
    Les lamaneurs étaient au repos en ce jour de fête religieuse. Qu’à cela ne tienne, les volontaires ne manqueraient rien pour haler la Belle Rosalie.
    La goélette ne bougeait pas. Courant trop fort, pourquoi pas ? Jusqu’à ce que l’aussière tombe à la mer. Dans un rayon de lune, les dieppois virent la Belle Rosalie remettre le cap au large. Les morts n’avaient pas résisté à revenir sur les lieux où ils avaient vécu, surtout en ce jour où les vivants pensent si fort à leurs morts. S’agissait-il d’un équipage qui avait retrouvé l’épave dérivant en mer et qui se l’était approprié ? Comprenant leur méprise en arrivant avec la Belle Rosalie dans son port d’attache, ils avaient refusé la bosse d’amarrage qu’on leur lançait. Cette explication recherche trop un soutien rationnel pour que nous la gardions. Ceux qui sont enterrés dans le grand cimetière sans croix, en voudraient sans doute aux vivants qui ne croient qu’à ce qu’ils voient et à ce qu’ils palpent.
    Si vous allez sur les quais de Dieppe un jour de novembre, ne dérangez pas cet homme qui médite là-bas : il attend simplement le bateau du souvenir qui va passer tout à l’heure devant ses yeux, chargé des âmes de ces marins qu’il aimait tant. Et son fils, et son frère étaient bien sûr de ceux-là.

     

    Source: Sauveteurs de Normandie Michel Giard

     

     

     

     

    Dieppe. — Au bout de la jetée.
    LE VAISSEAU FANTÔME1

    On n'avait pas fait dire de messes pour les âmes des naufragés de la
    Belle-Rosalie, un trois-mâts perdu.
    Au mois de novembre, le jour des morts, un peu avant le crépuscule
    du matin, Madeleine, fiancée à Pierre, lé timonier du navire, et sa soeur
    Marie, se rendent à la jetée.
    Le temps est glacial, la mer affreuse.
    A l'horizon, du sein des brumes, se détache tout à coup la forme
    d'une carcasse de navire, la voilure, les mâts.
    La vision s'approche...
    Ce sont eux! Ce sont eux! Les voilà là-bas! Vois-tu, Marie?
    Marie ne voit pas d'abord, mais Madeleine voit si clairement que
    Marie finit par voir comme elle.
    Oh! les pauvres malheureux ! Et leur bateau! Quel air sombre !...
    Tiens, tu ne diras plus que tu ne les vois pas? Ils vont entrer... Vois-
    tu Pierre qui tient la barre et qui nous reconnaît. Les autres aussi...
    Voici qu'ils nous tendent les bras. Oh! qu'ils sont pâles !... Pâles
    jusqu'aux cheveux.
    Un rayon du triste soleil de novembre se glisse à travers les brumes.
    La cloche de la première messe sonne, et le navire disparaît.

     

    Source: Revue des traditions populaires Société des traditions populaires (Paris)

     

     

     


    Parmi les pécheurs de Dieppe, il existe, au sujet des morts, plusieurs superstitions particulières. On conçoit aisément que ces imaginations lugubres aient pris naissance, et qu’elles aient conservé toute leur autorité au sein d’une population pour qui la mort est une éventualité sans cesse menaçante.
    Le jour des Morts est célébré très religieusement à Dieppe. Si des pêcheurs s'avisaient de monter sur leurs barques ce jour-là, ils se verraient doubles ; c’est-à-dire qu’un second individu, semblable en tout à chacun d’eux , les accompagnerait dans leurs manœuvres. Ils doivent se garder aussi de tenter les hasards de la pêche, car, lorsqu'ils viendraient à tirer de la mer leurs filets chargés d’un poids inaccoutumé, ils ne trouveraient au fond que des squelettes rompus , des ossements brisés, d'affreux débris de la mort et du sépulcre, juste récompense d’un travail sacrilège.
    Ce même jour, vers minuit, on entend un char funèbre parcourir les rues du Pollet. Il est traîné par un attelage de huit chevaux blancs, et des chiens blancs le précèdent en courant. Au moment où ce convoi défile , on distingue aisément les voix des gens qui sont morts pendant le cours de l’année qui vient de finir. Mais très peu de personnes ont vu cette apparition , car ceux qui en ont été témoins doivent s'attendre à une mort prochaine. C’est pourquoi chacun se hâte de fermer ses fenêtres lorsqu’on entend le bruit du lugubre cortège
    La croyance que nous allons rapporter n'a pas, comme la précédente, le cachet d’une antique origine ; mais la mort y est évoquée sous un aspect bien plus saisissant pour raviver la douleur et les souvenirs des vivants.
    Si les prières de la triste commémoration n'ont pas été assez efficaces pour procurer la délivrance des âmes des pauvres naufragés, ou si quelques-uns d’entr'eux ont été négligés, oubliés de leurs proches , voici ce qui arrive vers le milieu de la nuit : La mer est houleuse, le vent furieux, la tempête fouette les vagues de son aile impétueuse, et déchiro le ciel en lambeaux. Dans ce moment critique, un navire se découvre en pleine mer, il s’avance avec une rapidité qui fait frémir ; mais en peu d’instants il a touché heureusement la jetée contre laquelle on a craint de le voir se briser. Les spectateurs examinent ce navire, se font part de leurs remarques, et le reconnaissent avec étonnement pour un de ceux qu'ils croyaient naufragés. Voilà bien ses agrès, sa voile, sa mâture j seulement, les agrès sont brisés, la voile pend déchirée à un mât chancelant et disloqué. Cependant, il faut venir en aide au navire en détresse ; le gardien du phare lui jette la drome , l’équipage la saisit, l’attache à son avant-pont, suivant l’usage. A l’appel du gardien, les femmes et les enfants d'accourir, les uns confiants , les autres incertains ou désespérés. Des cris partis du cœur s’élancent au-devant des marins : «C’est mon père, c'est mon mari, mon frère, mon fiancé ! » répète-t-on de toutes parts. L’équipage demeure silencieux et impassible ! On s’en étonne peu d’abord ; car les marins font vœu quelquefois de ne point parler jusqu’à ce qu’ils aient été remercier Dieu et Notre-Dame de leur délivrance. Mais femmes et enfants se sont attelés à la drome et halent le navire ; celui-ci demeure immobile ! On s’encourage , on s’excite, on redouble d'efforts, on s’arrête par terreur et par lassitude, puis on s’acharne avec désespoir. C’est en vain ! le navire semble ancré par la main de Dieu, et pour l’éternité. Puis le coup d’une heure sonne, un léger brouillard flotte un instant sur la Yague , l’équipage
    et le navire ont disparu ! La drome échappe alors aux mains tremblantes, les poitrines se brisent, on n’entend plus que le bruit des sanglots étouffés. « Payez vos dettes! «c’est-à-dire faites de nombreuses prières, répètent, autour des veuves et. des orphelins, les spectateurs de cette scène de désolation.
    Un sinistre présage s’attache à l’apparition désignée sous le nom de la Femme grosse. On raconte qu’une femme grosse, s'étant précipitée du haut de la falaise du Pollet, se brisa sur un rocher qui s'élève presqu’au sein des flots, au-dessous de cette falaise ; mais la Femme grosse n’a point abandonné le lieu sinistre, témoin de sa tragique catastrophe ; attirée par la tourmente des nuits orageuses, elle vient encore, vêtue d’habits blancs flottants, et poussant des cris de détresse, errer sur le fatal rocher auquel elle a donné son nom. Ce fantôme , disent les femmes du Pollet, est, pour celle qui l’aperçoit , le signe certain de la mort d’un de ses proches : d’un père , d’un frère , d’un amant, d'un époux. Le rocher de la Femme grosse est peu éloigné des petites loges où les femmes des pêcheurs s’entassent pendant les nuits d’orage,pour attendre le retour de leurs parents, et faciliter leur entrée dans le port. Il est aisé d’imaginer, en des circonstances aussi pénibles , l’impression que doit produire un pareil voisinage sur des esprits qu'exalte sans cesse la présence des dangers.

     

    Source: La Normandie, romanesque et merveilleuse: traditions, légendes, et superstitions populaires de cette province Amélie Bosquet

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